Bonjour
C’est le moment de la troisième suite des aventures de Jonas et Ludovic.
Bonne lecture
Deux elfes impétueux (partie 3)
Le lendemain matin, Ludovic soupira lorsqu’il stoppa sa voiture sur le parking de l’agence. Il allait revoir Jonas et ne savait pas du tout comment agir pour que son comportement paraisse naturel. Pourtant, il devrait se montrer tel qu’il en avait l’habitude avec lui.
Tout au long de sa marche jusqu’à son bureau, il s’encouragea.
Allez mon grand ! Ce n’est pas plus compliqué que les autres jours. Tu souris, tu lui lances ton « bonjour » enjoué et une petite vanne rigolote et tout ira bien.
Pris par le mantra qu’il se répétait, il ne remarqua pas Richard Normand, leur directeur, qui le salua en le croisant. À l’entrée de son bureau, il fit une pause et lâcha un faible souffle pour se détendre. Mais lorsqu’il aperçut Jonas, ses bonnes résolutions s’effondrèrent.
En une fraction de seconde, toutes ses tentatives de rapprochement lui revinrent. Tous les rejets de Jonas le frappèrent comme un coup de poing dans le ventre. La première fois où ça s’était produit lui sembla être le symbole de son aveuglement.
Jonas était arrivé depuis une quinzaine de jours quand un représentant du siège était venu. Ludovic n’avait pas assisté à la réunion qui avait eu lieu entre son nouveau collègue, Richard et leur visiteur. Mais en début de soirée, lorsqu’il avait été l’heure de rentrer chez lui, ils sortaient de la salle de conférence. Il les avait salués et Richard l’avait convié à boire un verre en leur compagnie.
La discussion était agréable. Le moment se révélait être plus que plaisant et ils avaient un peu tardé. Sans doute pris dans l’ambiance, Ludovic avait proposé qu’ils dînent ensemble. Richard avait refusé tout de suite, sa femme l’attendait. Le représentant du siège aussi, il devait faire de la route et ne comptait pas rouler de nuit. Il s’était tourné vers Jonas, l’occasion était trop belle pour apprendre à le connaître.
— Il ne reste plus que nous deux, avait-il dit en lui faisant un clin d’œil.
Alors que Jonas souriait jusqu’à présent, son visage s’était décomposé.
— Je ne peux pas, je dois passer un coup de fil important, avait-il prétexté.
Puis, en un rien de temps, il avait vidé son verre d’un trait et après leur avoir serré la main, il avait quitté le bar. Laissant les trois autres un peu étonnés par ce départ rapide. Mais la conversation avait repris et Ludovic avait oublié cette déconvenue.
Pourquoi n’ai-je pas compris ce jour-là ? Son excuse vaseuse expliquait à la perfection qu’il n’avait aucune envie de passer du temps avec moi. L’imbécile que je suis a insisté et encore insisté, jusqu’à le mettre mal à l’aise. C’est pour ça qu’il souhaitait tant me parler, hier soir, pour que j’arrête de l’ennuyer.
Jonas releva la tête et Ludovic ne put croiser son regard. Plus rien ne serait jamais pareil, leur rencontre de la veille avait anéanti tous ses espoirs. Son visage se ferma et c’est d’un pas rigide qu’il pénétra dans le bureau.
— ’jour, marmonna-t-il, avant de s’asseoir sans même jeter un œil vers son collègue.
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Le jeudi suivant, Jonas n’en pouvait plus. La semaine s’était révélée atroce. Toutes ses tentatives de conversations s’étaient soldées par des échecs cuisants. Partager l’espace d’un Ludovic boudeur rendait ses journées impossibles et ses soirées moroses. Il soupira. Il attendait depuis si longtemps d’être libre, de lui parler. Et quand il se décidait, tout échouait, remettant même en cause leur amitié.
Agacé, il ragea en pensant qu’ils ne déjeunaient plus ensemble. Où étaient passés leur complicité et leurs rires ? Qu’avait-il bien pu dire pour que Ludo devienne plus froid avec lui qu’avec Fizelot ? Ils avaient tellement plaisanté à ses dépens, tous les deux.
Il se souvenait du jour où Ludovic lui avait expliqué pourquoi il ne s’entendait pas du tout avec la responsable marketing.
— C’est une fouine ! avait-il affirmé pendant leur déjeuner. Elle utilise les gens, ensuite, elle les jette comme des détritus superflus.
— Comment ça ?
— Lorsque j’ai commencé à travailler ici, j’ai tout de suite sympathisé avec Christophe, il s’occupait de tout ce qui était comptabilité. Bref, un jour, il m’a annoncé qu’il avait proposé la candidature de sa copine pour le marketing.
— Je suppose que sa copine, c’était Isabelle Fizelot.
— Oui, avait approuvé Ludovic. Christophe ne tarissait pas d’éloges. Il était fou amoureux. Puis, elle a obtenu le poste et au cours des six premiers mois tout se déroulait bien. Mais au fil du temps, ils ont commencé à avoir des problèmes de couple. Christophe ne comprenait pas. Il se plaignait, elle avait toujours une excuse pour ne pas le voir. Pendant un long moment, elle l’a rendu plus que malheureux, mais elle ne l’a jamais quitté.
— Que s’est-il passé ? Il y a eu un drame ?
— Non… enfin si ! Le cœur de Christophe s’est brisé. Mais c’est la façon dont elle a agi qui m’a rebuté. Un jour, Richard a parlé de cette nouvelle agence qui allait ouvrir à Versailles et le recrutement interne qui en découlait. C’est à peu près à ce moment qu’Isabelle est redevenue amoureuse. Christophe était aux anges. Elle lui a dit qu’elle ne se plaisait pas trop ici et lui a proposé qu’ils postulent ensemble. Sauf qu’elle, cette peste, elle n’a jamais demandé sa mutation. Il était si heureux d’avoir obtenu le poste. Il a cherché un appartement pour eux et préparé leur départ avec une joie intense.
Jonas n’était pas un idiot. La conclusion était logique. Christophe avait quitté leur bureau tandis qu’Isabelle y travaillait encore. Sa manière de rompre était peu commune, mais il ne savait pas trop quoi penser.
— Et le pire, c’est que, jusqu’au bout, elle lui a fait croire qu’ils partaient ensemble. Quand il a déménagé, il était toujours persuadé qu’un mois plus tard, elle le rejoindrait. C’est lors de son premier jour dans sa nouvelle agence qu’il a compris. Ensuite, elle a constamment refusé de prendre ses appels.
— C’est vrai, ce n’est pas très cool. Elle est plutôt lâche, mais…
— Attends ! Déjà, je ne la sentais pas trop avant cette histoire, mais depuis, j’ai découvert sa manière d’agir. Elle n’est jamais franche du collier. Oh ! Elle n’est pas assez horrible pour détruire ta carrière, mais elle te fait des coups en douce, comme notre bureau qui devait être uniquement le tien, par exemple. Ou mon ordinateur qu’elle a tenté de s’approprier. Je n’aime pas les gens avec qui on ne sait jamais sur quel pied danser. Alors, méfie-toi, tu travailles directement avec elle.
— Je ferai attention, j’ai déjà remarqué qu’elle n’était très franche. Mais, elle n’est pas méchante, elle manque juste de franchise. Mais ton animosité vient surtout du fait que tu ne lui as pas pardonné ce qu’elle a fait à ton ami, en fait.
— Je ne chéris pas les cons, je n’y peux rien ! avait grommelé Ludovic.
Jonas avait éclaté de rire. Son collègue possédait un caractère entier. Il aimait ou il détestait. Pour lui, il n’existait pas d’entre-deux. Tout à coup, il s’était rendu compte qu’il était une des personnes que Ludo appréciait vraiment. Il s’était senti si heureux.
— Je suis chanceux de ne pas faire partie de tes cons, l’avait-il taquiné.
— Toi ? Impossible, tu es un mec trop bien pour ça.
Son expression était si authentique. Jonas avait pensé y lire une affection sincère et même un peu plus que ça. Au fil du temps, il avait plusieurs fois remarqué les regards qu’il lui lançait. Ils riaient si souvent ensemble, s’amusaient d’un rien, plaisantaient. Leur entente était géniale. Et Ludo se montrait toujours si empressé pour l’aider en cas de problème.
(à suivre…)