Bonjour
Voici la quatrième suite des aventures de Jonas et Ludovic.
Bonne lecture
Deux elfes impétueux (partie 4)
Peu à peu, Jonas avait compris que Ludo lui rendait ses sentiments. En tout cas, il s’en était persuadé. Personne ne faisait preuve d’autant de gentillesse et d’attention s’il n’y avait pas plus qu’une amitié entre collègues. Depuis, Jonas ne tenait plus en place. Il s’impatientait du moment où il pourrait lui dire que lui aussi, il était amoureux.
Pourquoi tout avait-il dégénéré en une seule soirée ? Il ne s’expliquait pas ce qui se passait depuis lundi. Ils s’étaient toujours bien entendus, ils se comprenaient, ils étaient même complices. D’ailleurs, dès leur première rencontre, il avait su que tout roulerait entre eux. Lui et son futur collègue renfrogné allaient devenir amis.
Pourtant, ce jour-là, Ludo montrait avec clarté que son arrivée ne lui plaisait pas. Surtout parce que le directeur de leur agence venait de lui apprendre qu’Isabelle Fizelot, la responsable marketing, avait besoin qu’il partage son espace de travail. Lorsqu’avec cette dernière, ils avaient pénétré dans le bureau, Ludovic maintenait une posture raide et concentrée sur son écran d’ordinateur. Son visage affichait un air si grincheux qu’aucun des deux n’avait osé s’approcher.
Ludo agissait comme s’ils n’étaient pas là et Isabelle, sa nouvelle cheffe de service, ne paraissait pas vouloir faire les présentations. Puisque personne ne souhaitait l’accueillir, il avait dû entrer en jeu. Sans se démonter, il s’était posté face à l’homme renfrogné pour faire le premier pas.
— Bonjour, je suis Jonas. Nous allons devoir cohabiter pendant un moment.
Surpris, malgré son air bougon, Ludovic n’avait sans doute pas osé lui faire d’affront. Il s’était enfin tourné vers lui. Et s’il avait refusé de le regarder, au moins, il avait serré la main qu’il lui tendait.
— Bonjour. Ludovic. Vous savez combien de temps ça va durer ?
— Non, mais on m’a informé que le bureau juste à côté du vôtre m’était destiné.
Cette fois, Ludovic avait levé la tête. Leurs yeux s’étaient croisés et une mine stupéfaite s’était affichée sur son visage.
— Euh… avait-il bafouillé, ne… ne vous laissez pas faire. Ce n’est pas un bureau, c’est un cagibi. Vous n’aurez même pas la place d’y installer autre chose qu’une mini table et une chaise.
Sa supérieure s’était enfin décidée à intervenir dans la conversation.
— C’est pour cette raison que cet été, lorsque vous serez tous les deux partis en congé, nous allons ôter la cloison. Ainsi, vous obtiendrez chacun votre espace et Ludovic cessera de râler.
Ce dernier n’était pas très grand, mais Jonas avait découvert que son tempérament l’était, lui. D’un bond, Ludovic s’était levé de sa chaise. Il avait marché avec vigueur jusqu’à ce qu’il se trouve face à Isabelle.
— Donc, c’est encore une de vos combines ! avait-il crié. Ce n’est pas pour quelques semaines, mais une décision définitive. Est-ce qu’un jour, vous parviendrez à vous montrer honnête et sincère avec les autres ?
Puis, il lui avait tourné le dos en soufflant son mépris. Énervé, il avait recommencé à taper sur le clavier de son ordinateur avec force. Vexée, Isabelle était sortie en marmonnant que leur responsable ne protégerait pas toujours les arrières de Ludovic. Et celui-ci avait grogné un « connasse » assez fort pour qu’elle l’entende.
C’est peut-être cette insulte qui lui avait fait comprendre qu’ils s’apprécieraient. Quand Isabelle Fizelot l’avait appelé pour lui proposer le poste d’assistant marketing de leur agence, elle lui avait vanté tous les avantages qu’il obtiendrait. En fait, seul son salaire avait augmenté, tout le reste n’était que du vent, des mensonges ou plutôt des vérités fortement améliorées pour qu’il choisisse de venir chez eux. La cantine n’était qu’un petit coin cuisine. La voiture de fonction était à partager avec tous les autres membres de l’équipe et la liste était encore longue. Sa nouvelle patronne était une championne pour embellir une situation sans tout à fait mentir. Et en même temps, ça ne l’avait pas trop surpris, c’était courant dans le monde professionnel. Il s’était laissé avoir parce qu’il était pressé d’obtenir un poste qui l’éloignerait de Paris.
Mais à cet instant, il s’était surtout senti un peu idiot. Devait-il courir derrière sa nouvelle patronne pour continuer la visite et les présentations ? Malgré l’humeur plus qu’électrique de Ludovic, il avait préféré choisir de lui demander de l’aider.
— Excusez-moi. Vous avez fait fuir mon accompagnatrice. Accepteriez-vous de la remplacer ? Hormis la cuisine, nous avions commencé par vous et euh… je désire connaître tous mes collègues. Et bien sûr, j’aimerais savoir à qui m’adresser en cas de souci.
Contre toute attente, Ludovic avait éclaté de rire.
— Oh bon sang ! C’était jouissif !
Il avait serré le poing, puis l’avait secoué de haut en bas plusieurs fois, comme s’il avait gagné un prix.
— Viens ! Ce sera mieux avec moi qu’avec la Fizelot. Tu le constateras vite, presque tout le monde sera heureux de ne pas la voir ce matin.
Sur le moment, Jonas s’était senti très mal à l’aise. Mais maintenant qu’il y repensait, il était presque certain que Ludovic l’avait séduit en grommelant une insulte.
(à suivre…)