Pour l’Amour d’un Ange (épisode 13)

Lucifer et Gabriel observaient Julien qui exerçait désormais les fonctions d’ange gardien. Tous les deux affichaient des mines stupéfaites.

— Rassure-moi, il n’y a toujours pas de maternité au paradis ? demanda Lucifer.

— Que vas-tu encore inventer ? soupira Gabriel.

— C’est juste que j’ai un peu l’impression qu’ils nous ont échangé nos bébés, là.

Gabriel éclata de rire.

— Est-ce que tu dis ça parce que Camaël vient de faire un croche-pied à l’humain qu’il doit accompagner pour l’empêcher d’acheter de la drogue ? ironisa-t-il.

— Il a tout de même une drôle de manière de les aider, ses protégés. Regarde, il est blessé, les secours l’emmènent à l’hôpital.

— Il voulait de la drogue, ils vont sans doute lui donner des calmants, plaisanta Gabriel. Camaël a encore fait un heureux.

Lucifer éclata de rire.

— En fait, non, ils n’ont rien échangé du tout à la maternité. Camaël est la même teigne que toi.

— Et Agthuxaz a tout pris de ton côté doux et mignon.

Lucifer grogna.

— Tu vas voir si je suis doux et mignon, tout à l’heure !

— Encore vingt ans, mon grand, pour l’instant, tu es toujours ma chose.

— Pff !

***^+*+***

Adossé à un arbre, Damon observait son compagnon qui faisait encore des siennes. Bien sûr, il avait empêché son protégé de faire une énorme bêtise, mais tout de même, la manière n’y était pas.

— Bon sang, Julien ! Tu dois les guider, pas les blesser, le sermonna-t-il.

Il reçut une œillade blasée en retour.

— Pourquoi ne dois-je aider que des imbéciles ? râla Julien. Regarde-moi ce crétin, sa copine le quitte et tout ce qu’il trouve à faire, c’est d’aller traîner dans un quartier mal famé pour acheter de la drogue. S’il l’avait fait, il n’en serait jamais plus sorti, cet idiot ! Il ne peut pas se saouler un bon coup, comme tout le monde ! Après une bonne cuite et quelques heures passées à vomir ses tripes, on oublie mieux son ex.

Damon ricana.

— Tu parles par expérience.

— C’est ce que je faisais quand j’étais jeune.

— Tu es l’ange le plus diabolique que je connaisse, se moqua Damon

— Je m’ennuie, tout est trop lisse, trop parfait, ici. Il faut bien que je trouve des moyens de m’amuser.

— Oui, comme la fois où tu as volé le chien de cette dame qui refusait de marcher.

— Ben quoi, ça a fonctionné, non ?

— La pauvre, elle était désespérée, elle venait de perdre son mari…

— Et je lui ai montré que quelqu’un avait encore besoin d’elle. Elle se sentait inutile, dépressive… Quand j’ai emmené son chihuahua, elle a cru qu’il s’était sauvé, elle a eu peur pour lui et n’a pas hésité à faire quatre fois le tour du pâté de maisons pour le retrouver.

Damon s’esclaffa.

— Quelle jolie façon de lui donner une raison de vivre ! Ton père doit être fier de toi.

— Lequel ? J’en ai deux, une mère et un beau-père ! Tous mes parents sont heureux pour moi, je suis l’ange qui a le meilleur taux de réussite.

— Ils te le diront tous ce soir. C’est le réveillon, tu n’as pas oublié ?

Le sourire de Julien s’agrandit. Depuis ce fameux 24 décembre où il avait rencontré Damon, ils avaient passé tous leurs réveillons avec Lucifer et Gabriel. Les premières années, ils n’en étaient pas vraiment ravis. Pourtant, peu à peu, Damon et lui s’étaient habitués à la présence des deux êtres supérieurs.

— Mes parents humains ne seront pas là, ce soir. Depuis l’histoire de leurs ébats tumultueux décrits avec beaucoup trop de détails et de gros mots par ton père, ils préfèrent éviter de dîner avec nos deux boulets…

— Chut ! Ils vont t’entendre ! Tu sais qu’ils ont des oreilles partout. C’est un des inconvénients d’être passés dans l’autre monde.

— Oh, mais je suis sûr qu’ils nous écoutent, en ce moment même. Il n’y a que notre loge qui est à l’abri des oreilles indiscrètes.

— Il n’empêche que tu es impatient. Tu adores passer le réveillon avec nos pères.

Soudain, Damon eut une idée pour amuser son compagnon et faire passer le temps jusqu’au repas, mais pour ça, ils devaient aller dans un endroit plus discret. Quand il le proposa, Julien n’hésita pas une seconde. Le démon s’esclaffa, son amant allait être déçu s’il pensait qu’ils allaient faire des galipettes.

Lorsqu’il le rejoignit dans leur loge, Julien était déjà nu et allongé sur le lit.

— Eh bien, tu ne perds pas de temps ! s’exclama Damon en riant.

— Tu as raison, je suis pressé de me marrer en écoutant les disputes amoureuses de nos pères. Alors, j’ai envie de nous occuper de la manière la plus agréable possible.

— Moi, j’ai une meilleure idée. Puisque nous allons chez eux, nous pourrions leur jouer un tour ?

— Ils vont comprendre en moins de deux secondes.

— Tu es si démoniaque parfois, je suis certain…

Soudain, Julien se leva, en moins d’une seconde, il s’était paré de ses ailes et s’était précipité vers la sortie.

— Désolé, j’ai un appel. C’est Justin. Tu sais, c’est celui qui a grandi en foyer. C’est le seul de mes protégés qui a un peu de jugeote, je dois l’aider.

Damon oublia son idée, il suivit son compagnon et très vite, ils virent Justin qui faisait face à une bande de voyous prêts à tout pour obtenir quelques billets. Terrorisé, le jeune homme était acculé contre un mur. Julien soupira. À quelques minutes près, il aurait pu passer sa soirée de réveillon chez lui, en sécurité.

L’un des malfrats s’approcha un couteau à la main. Il leva le bras qui maintenait l’arme et avança la lame jusqu’à frôler le visage de Justin. L’ange se tourna vers son compagnon.

— Je ne sais pas quoi faire, cette fois, je ne peux pas apparaître et je ne serai pas capable de les maîtriser, soupira-t-il.

— Moi, je sais, grogna Damon d’une voix étrange.

Il retrouvait les sensations de ses anciennes missions. Protéger Justin devenait une nécessité. Si pour l’instant, aucun des protagonistes de l’affrontement ne pouvait les voir, en une fraction de seconde, la situation changea.

Damon se matérialisa sous sa forme la plus puissante entre Justin et ses assaillants. La lame du couteau aiguisée à la perfection entailla la peau pourtant dure du démon.

— Tu m’as agressé le premier, grogna Damon d’une voix étrangement caverneuse. Tu vas le regretter.

Les jeunes voyous, impressionnés, firent un pas en arrière, mais le démon prit encore du volume et dans la même seconde, il attaqua. En quelques instants, la bande fut à terre, chacun de leurs corps griffés et leurs visages tuméfiés. Damon recula, Justin hurla, puis le démon disparut comme il était apparu. Sidéré, le protégé de Julien en resta abasourdi pendant un instant, puis soudain, il oublia sa vision et découvrit les corps inanimés couchés sur le bitume.

— Ai-je fait ça ? demanda-t-il à haute voix.

Seul le silence lui répondit, mais Justin sembla avoir trouvé du courage et de la confiance. Il sortit son téléphone de sa poche et composa le numéro de la police.

Damon rejoignit Julien qui l’attendait ébahi, mais admiratif.

— En fait, tu n’es pas simplement destiné à me protéger, tu es aussi près de moi pour m’aider.

— C’est génial ! J’ai ressenti l’appel. Il est si différent de ceux que j’ai connus avant de te rencontrer… et j’adore ce job, je ne suis pas celui qui tue.

— Ah bon, ils ne sont pas morts ?

Damon posa sa main sur le bras de Julien. Il lui fit un clin d’œil, avant de lui montrer les policiers qui se précipitaient vers Justin.

— Non, pas encore. Mais regarde qui arrive.

Julien observa Lucifer en personne se déplacer vers la scène. Il se tourna vers Damon.

— Mais que fait-il ici ?

— Je n’en sais pas plus que toi. Tout ce que je sais, c’est que si je peux t’aider avec tes protégés, alors je suis ravi. Je commençais à m’ennuyer à ne rien avoir à faire.

— Tu étais génial ! Merci, j’apprécie beaucoup Justin, je pense qu’il a un bel avenir devant lui.

— Maintenant, je suis certain qu’on va être aussi heureux ici que pendant notre vie d’humains. Nous serons compagnons pour tout. Je crois que je suis en plein rêve.

Julien était également sur un nuage, mais pas pour la même raison. C’était la première fois qu’il voyait Damon terrasser des « méchants » et il devait reconnaître que c’était excitant. Son amant était torride quand il se battait.

— Et moi, j’ai envie de toi, tu m’as donné chaud partout à jouer les super héros.

— Je suis flatté, minauda Damon.

— Là tout de suite, j’ai besoin que ce soit autre chose que tes chevilles qui enfle, persifla Julien. Alors, on rentre et au lit !

— Et le réveillon ?

— Nous serons en retard, on s’en fout !

Damon lui offrit sa main et quelques instants plus tard, ils étaient tous les deux nus dans leur loge.

— Je t’aime mon ange diabolique, murmura Damon.

— Je t’aime aussi mon démon torride, souffla Julien. Et maintenant, baise-moi !

Bon, pour le romantisme, je repasserai, pensa Damon. Puis, ses lèvres happèrent celle de Julien et ils oublièrent tout ce qui n’était pas eux.