Pour l’Amour d’un Ange (épisode 2)

Julien tenta de se tourner pour insulter la maison voisine, il serait bien en peine de s’adresser directement à son habitant, puisque celui-ci était une anguille qui fuyait dès qu’il le voyait. Pourquoi avait-il tant souhaité le rencontrer ? D’accord, la première fois où il l’avait aperçu, il l’avait trouvé beau comme un diable et surtout, son cul rond l’avait marqué. Alors que le nouvel arrivant s’était baissé pour attraper un de ses cartons de déménagement, Julien n’avait plus regardé que ça, sa jolie paire de fesses. Ses pensées avaient dérivé vers des images plus torrides. Il s’était imaginé en train de cajoler ce postérieur rebondi, l’honorant, le sublimant de caresses et de tout un tas d’autres jeux des plus érotiques.

Et maintenant qu’il songeait à la première fois où il l’avait vu, toutes ses tentatives pour faire connaissance lui revinrent en tête, ce qui l’énerva au plus haut point. Il se mit à brailler en espérant que le connard, dont il ignorait encore le prénom, l’entendait.

***+*+***

Dès le premier cri de Julien, l’attention de Damon avait été attirée vers son voisin. Mais il n’avait aucun mérite, depuis le premier jour de son emménagement, il n’avait fait que le surveiller. Il l’observa en se dissimulant le mieux possible derrière ses doubles rideaux. Heureusement, il n’avait pas encore allumé, ce n’était pas comme s’il avait besoin de lumière, de toute façon. Il hésita à aller le secourir, avant de se renfrogner. S’il ne le faisait pas, ce n’était pas parce qu’il n’en avait pas envie.

Julien devait penser qu’il ne l’appréciait pas. Depuis un mois qu’il vivait ici, Damon s’était tenu à l’écart et il avait une très bonne raison de l’avoir fait. Comment aurait-il pu s’approcher de lui, alors qu’il venait pour le tuer ?

Depuis son emménagement dans cette maison, Damon cherchait une solution qu’il ne trouvait pas. Se triturer les méninges ne lui avait servi à rien, il n’avait aucune échappatoire, aucun moyen de se faire expédier ailleurs. Sa mission le coinçait ici, alors qu’il la détestait. La situation était inédite, normalement, dès qu’il détectait l’aura noircie par la haine, il n’avait plus qu’une hâte, débarrasser le monde du monstre qu’il pourchassait.

Son poste lui plaisait bien plus que celui qu’il occupait précédemment. D’habitude, il était heureux d’être envoyé sur un nouvel objectif. Mais pas cette fois, non. Le cas de Julien le tourmentait, il se sentait incapable de faire ce pour quoi il était là.

Si Julien savait la raison de son installation dans la maison voisine de la sienne, il serait ravi que Damon ne s’approche jamais de lui.

Il avait été si fier lorsque le grand chef l’avait fait appeler. Changer de poste était son rêve depuis le premier jour où il avait commencé à travailler.

Soudain, il se revit debout devant son patron très en colère. Ce jour-là, son boss lui avait donné un nouveau nom surprenant.

« Damon », il aimait prononcer le prénom qu’il portait depuis qu’il avait été envoyé sur terre, même si Lucifer le lui avait attribué pour se moquer de lui.

— Tu es médiocre dans ton emploi, tu n’es qu’un démon mal fini. En fait, tu ne mérites pas d’être appelé comme tel. Tu seras un démon, mais pas tout à fait, tu seras Damon.

Lucifer avait ri de sa mauvaise blague, pourtant, il ignorait que ce prénom plaisait beaucoup à l’objet de son exaspération du moment. C’était toujours mieux que « Agthuxaz », ce truc imprononçable dont il avait décidé de l’affubler lorsqu’il l’avait créé pour torturer les mortels condamnés aux enfers.

— Désormais, tu œuvreras sur terre et tu m’apporteras les humains malfaisants, avait ajouté Lucifer. Ton travail sera chaque fois le même : tu les amèneras à te faire confiance, la plupart du temps, tu devras sauver sa future victime avant de maîtriser ta proie. Quand ce sera fait, tu devras la baiser sauvagement, ce qui la tuera. Ensuite, son âme me reviendra et je prendrai un grand plaisir à jouer avec.

— Mais comment les reconnaîtrais-je ? Je n’ai jamais fait ça ! avait-il objecté.

— Tu le sauras ! Je te placerai là où il le faudra au moment précis où ce sera nécessaire.

Sur le moment, il avait été déçu. Il n’était plus qu’une marionnette dans les mains de Lucifer. Aux enfers, quand il torturait les âmes mauvaises, au moins, il pouvait choisir le degré de souffrance et…

— C’est exactement pour ces décisions que Lucifer t’a sanctionné, ironisa-t-il.

En fait, la punition était devenue une faveur. Connaître les méfaits des humains qu’il devait tuer lui ôtait toute culpabilité. Par exemple, il avait adoré rendre la pareille à ce violeur en série qui avait détruit la vie de tant de femmes. Il aurait même aimé être envoyé bien plus tôt sur son cas. D’ailleurs, il y avait ajouté quelques petits délices de son cru. Sa victime n’avait pas du tout apprécié le supplément. Damon se demandait bien pourquoi, lui, il avait savouré chaque instant. En plus, tuer en jouissant était extra, il serait bien idiot de se lamenter sur son sort.

À cet instant, une plainte déchirante le sortit de ses pensées. Son regard se porta à nouveau sur Julien qu’il avait oublié, trop perdu dans ses souvenirs. Celui-ci était toujours, à plat ventre, allongé sur le sol glacé et sa grimace montrait à quel point il souffrait.

— Je ne peux pas l’aider, si je m’approche, je vais devoir l’exécuter… Dès que je sentirai son odeur, je verrai tous ses méfaits et je n’aurai plus aucun contrôle sur sa destinée. Non, je ne peux pas, gémit-il.