Pour l’Amour d’un Ange (épisode 5)

Aucune douleur ne vint serrer la gorge de Damon et aucune révélation horrible ne l’envahit pour le rendre fou de colère. Au contraire, une douce odeur de lilas l’enveloppa. Du lilas ? À cette époque de l’année, cela lui parut improbable. Il se sentit soudain pris par une joie intense, il lui sembla même que son pas devenait plus léger, presque aérien. Quand Julien leva les yeux vers lui, son ventre se noua. Plus il s’approcha, plus cette odeur l’ensorcela, il lui était quasiment impossible de la combattre.

Tu es un démon, s’admonesta-t-il, tu peux affronter une attirance et lui résister, aussi puissante soit-elle. Il s’écarta un peu, mais Julien semblait subir le même enchantement, il tenta de se redresser pour rester au plus près de Damon.

— Ne t’éloigne pas, murmura-t-il, avant de s’effondrer en grimaçant.

Tout à coup, une révélation frappa le démon. Julien n’était pas sa cible. Et surtout, au cas où il ferait une erreur ou encore, s’il effectuait un mouvement trop puissant et qu’il atteignait une personne innocente, il avait un pouvoir de guérison.

— Ne bouge pas, chuchota Damon. Et surtout, ne t’inquiète pas, je vais te toucher.

— Oui. S’il te plaît, touche-moi, implora presque Julien.

Même s’il ne comprenait pas tout à fait ce qui lui arrivait, Damon s’exécuta. Il passa ses mains sur le corps douloureux de son voisin et détecta très vite le problème. Julien s’était cassé le coccyx. Il pressa doucement l’endroit douloureux pendant quelques minutes et soudain, Julien se releva pour enfin s’asseoir.

— Je ne sais pas quelle médecine tu as appliquée, murmura-t-il, mais je n’ai plus mal du tout.

— Ce n’est pas médical, c’est une sorte de massage qui replace les nerfs et les muscles, mentit Damon.

— Peu importe, ce qui compte, c’est que je n’ai plus mal.

— Je vais tout de même t’accompagner chez toi et t’aider à ranger tes courses. Mais avant tout, je vais remettre cette porte, devenue inutile, à sa place.

Julien secoua la tête, tout à coup, il retrouvait ses esprits.

— Flûte ! Patrick va arriver dans peu de temps et je n’ai rien préparé.

— Qui est Patrick ? demanda Damon.

— Mon compagnon. En ce moment, il travaille au Cap Vert, mais il rentre pour les vacances. Je devais lui offrir un réveillon en famille parfait. Il est parti depuis plus d’un mois et… j’espérais que nos retrouvailles se passent bien.

Les épaules de Damon s’affaissèrent et il recula pour s’éloigner de Julien. Cette odeur et cette attirance incroyable devenait insupportable maintenant qu’il savait que cette dernière ne se transformerait jamais en une union charnelle, qu’elle soit éphémère ou non.

Julien n’était pas libre, il aurait dû s’en douter. Qu’avait-il cru ? Qu’ils pourraient être heureux pour toujours ? Ce n’était qu’un tissu d’idioties, il était un démon et les démons n’obtenaient jamais de fin heureuse. Quand il aurait trouvé qui était sa cible, sa forme démoniaque apparaîtrait, il la torturerait, puis il la baiserait jusqu’à ce qu’elle meure dans d’atroces souffrances. Dès que ce serait fait, il serait envoyé ailleurs pour en neutraliser une autre.

Quelle que soit l’attirance qu’il ressentait pour Julien, un jour ou l’autre, il devrait partir. Il se résigna. Puisque celui-ci voulait offrir une soirée familiale parfaite à son amant, il allait l’aider. Après tout, ce qu’il désirait, c’était le bonheur de Julien. Si celui-ci était auprès de Patrick, eh bien qu’il en soit ainsi !

— Aujourd’hui, continua Julien en soupirant, tout s’est mal passé. Je devrais déjà avoir fini de préparer le repas, mais… Cette soirée va être une catastrophe !

Damon lui posa la main sur l’épaule, leurs yeux se croisèrent. Julien sentit son cœur battre plus vite, il ne pouvait plus quitter le regard de son voisin. Mais le visage de Damon s’assombrit, il ôta sa main comme s’il s’était brûlé, avant de se détourner pour définitivement briser la magie.

— Ne t’inquiète pas, je vais t’aider. Va prendre une douche et te changer, je vais te préparer tout ça pendant que tu te réchauffes. D’accord ?

— Ma douche ne durera que quelques minutes.

— Prolonge-la autant que tu le pourras, tu en as besoin. Tu es resté longtemps dehors dans le froid. Tu ne voudrais pas être malade pour ton super réveillon, n’est-ce pas ?

Dès que Julien quitta la pièce, Damon se mit au travail, il n’avait besoin que de quelques minutes, de toute façon. En un clin d’œil, les courses inutiles furent rangées. Ce qui était nécessaire fut transformé en plats de Noël et la table se retrouva parée de ses plus beaux atours.

Lorsque sa tâche fut terminée, il n’attendit pas le retour de Julien et se dirigea vers la sortie. Dès qu’il fut dehors, il se pressa de rentrer chez lui. Bien plus mélancolique qu’il ne le pensait, il refusa de regarder vers la maison de Julien et alla directement dans sa chambre.

— Joyeux Noël, Damon, bredouilla-t-il d’un ton triste, en s’affalant sur son lit.

Peu importait les images qui lui étaient venues lorsqu’il avait humé cette odeur de lilas. Julien et lui, riants autour d’une table remplie de mets savoureux et illuminée par des bougies. Julien et lui, s’embrassant dans un lit qui sentait le lilas. Julien et lui prenant le petit déjeuner au lit. Julien et lui faisant l’amour près du sapin décoré. Julien et lui se promenant main dans la main, dans un paysage recouvert de neige.

Tout ça n’arriverait jamais, Julien avait un compagnon, ils étaient amoureux. C’était lui et seulement lui qui avait imaginé toutes ces choses idéales.

— Les démons ne fêtent jamais Noël, tu l’as oublié, grommela-t-il. 

***^+*+***

Lorsque Julien sortit de sa chambre, il était souriant. Non seulement sa chute n’avait occasionné aucune blessure sérieuse, mais son voisin lui paraissait désormais charmant. Même s’il ne comprenait pas pourquoi il l’avait fui pendant si longtemps, il était heureux de l’avoir enfin rencontré.

Damon était beau comme un diable. Ses cheveux noir de jais, ses yeux sombres et ses tenues en cuir très près du corps lui donnaient un air dangereux. Quand on l’observait mieux, on voyait la gentillesse dans son regard, la douceur de sa bouche pulpeuse qui s’était déformée en un sourire tendre lorsque leurs yeux s’étaient croisés.

D’ailleurs pourquoi l’avait-il admiré de façon si intense ? Et quelle était cette drôle de sensation qui l’avait poussé à presque s’asseoir pour rester proche de lui, alors qu’il souffrait ? Il avait ressenti une vraie perte quand Damon s’était éloigné. Ce n’est qu’une fois qu’il avait pris conscience du réveillon catastrophe à venir qu’il s’était souvenu de Patrick et de son besoin de recoller les morceaux.

Mais pour l’instant, il avait un bad boy au regard doux à remercier. Il l’entendit s’affairer dans la cuisine et soudain, il fut pressé de le rejoindre. Mais il ne put s’empêcher de se faire la réflexion que tout ce qui se passait ce soir était tout de même très étonnant.

Son voisin qui le fuyait depuis un mois avait enfin décidé de faire sa connaissance et depuis, il avait oublié sa mauvaise humeur et toutes les emmerdes qui lui étaient tombées dessus depuis ce matin lui semblaient insignifiantes. Damon avait l’étrange pouvoir de lui remonter le moral au point de le rendre guilleret. Il se sentait si léger, si heureux. Julien ne savait pas pourquoi, mais ça lui faisait plaisir de devoir son bien-être du moment à Damon. La sensation qu’il éprouvait à cet instant ne ressemblait à rien de ce qu’il avait connu jusqu’à présent.

— Comprendrais-je un jour ? s’interrogea-t-il. Après tout, je m’en moque. Je suis en pleine forme, j’ai retrouvé ma bonne humeur et il va m’aider à sauver ma soirée avec Patrick.